Mercredi, 24 juin 2020

RER neuchâtelois - enfin sur les rails !

Le Grand Conseil neuchâtelois a voté massivement en faveur des 112 millions de francs qui seront consacrés à trois projets d'avenir : la future gare de Cernier sur la ligne directe en La Chaux-de-Fonds et Neuchâtel, une jonction ferroviaire entre Bôle et Corcelles et enfin : une étude pour une voie verte, cyclable, dans les futurs anciens tunnels de la ligne historique. Texte du député suppléant Maxime Auchlin.

Si l’occasion vous est donnée de fouiller un peu dans les archives de la bibliothèque de La Chaux-de-Fonds, vous apprendrez qu’en 1841 déjà, on parlait de l’établissement du chemin de fer dans le canton de Neuchâtel. La République n’était même pas proclamée. Un peu plus tard, avec l’assentiment du Conseil d’Etat d’alors, encore d’ancien régime, un « comité de chemins de fer neuchâtelois » voyait le jour en 1846. C’est cette décision politique qui a posé les premiers jalons du réseau ferroviaire cantonal. Ce comité́ se rendit à Berne, eh oui, déjà, afin d'étudier la question du chemin de fer en Suisse occidentale, avec comme objectif stratégique la conservation de l’industrie horlogère dans le canton. Le comité́ déposa au Grand Conseil un projet de décret demandant de prendre en considération la création d’un chemin de fer reliant les grandes lignes suisses aux grandes lignes françaises par le canton de Neuchâtel, avec deux solutions proposées: l’une à destination de Neuchâtel, passant par le Val-de-Travers, l’autre devant franchir le Col-des-Roches en direction de Bienne. Vous imaginez bien quels débats animés ont pu avoir lieu. On parlait même de nouvelle révolution… La suite, vous la découvrirez par vous-même, mais en gros, il aura fallu attendre le milieu des années 1850 pour enfin voir des chemins de fer se construire dans nos contrées, après plus d’une décennie de tergiversations.

 

 

Le but de cette petite introduction, c’est de montrer qu’il faut toujours un temps long pour prendre des décisions historiques, et qu’il faut de la persévérance pour les concrétiser. Aujourd’hui, notre bon vieux réseau de train, à l’époque bricolé avec les challenges du terrain ou la disponibilité technologique limitée, doit enfin franchir un autre pas historique : celui de construire, à une époque où toutes les distances se raccourcissent, un véritable métro qui reliera nos deux villes et leur permettre de se rapprocher et tendre vers une véritable agglomération. Bouger plus vite bien entendu, mais surtout bouger mieux et de manière plus efficiente à travers tout le territoire. Et nos concitoyens le veulent et l’attendent, comme en témoignent les 84% de oui au projet Mobilité 2030.

 

 

Venons-en au rapport. A la charge du canton : 112 millions de francs pour les trois projets majeurs qui nous reviennent, et une généreuse manne fédérale habilement et âprement négociée, suite à un efficace lobbying de nos élus fédéraux et du Conseil d’Etat, qui nous gratifiera d’une ligne directe entre La Chaux-de-Fonds et Neuchâtel. Une véritable artère qui sera complétée de capillaires – pour prendre l’analogie médicale – qui oxygèneront véritablement notre région par un RER moderne et efficace. Une cadence au quart d’heure – un quasi-métro – qui changera la vie de bon nombre de nos concitoyens, et dynamisera à coup sûr les deux moitiés du poumon économique neuchâtelois. En bonus : une halte à Cernier, localité encore mal desservie, qui permettra de booster l’attractivité du Val-de-Ruz comme un espace de calme à 7 minutes de l’agitation des villes. Et puis, une adaptation de l’accès ferroviaire au Val-de-Travers – qui ne sera pas oublié – via un nouveau tronçon entre Corcelles et Bôle. Et enfin, une voie verte, projet résolument novateur et ambitieux, qui fermera une parenthèse historique de la plus belle des manières : le vélo remplacera le train pour devenir une attraction touristique à nulle autre pareille dans notre pays.

 

 

Reprenons les points un à un.

 

 

Un premier gros morceau devisé à 45 millions de francs est dédié à la construction de la gare de Cernier. Le Conseil d’État se doute bien que nous observerons avec attention le dimensionnement du parking à vélo ou la pose de panneaux solaires sur les couverts de la gare routière. Des exemples typiques néerlandais peuvent être source d’inspiration, par exemple dans les villes de Delft ou Utrecht. Le constat général qu’on peut faire, c’est que le trafic s’est toujours adapté à l’infrastructure. Plus de voies autoroutières a mené à plus de voitures, et jamais à éliminer les embouteillages. Il était question d’artère et de capillaires tout à l’heure – les convoyeurs d’oxygène seront donc les piétons et les cyclistes. Avec un taux d’utilisation des transports en commun le plus mauvais de Suisse romande et un taux de mobilité douce en-dessous de la moyenne nationale, il reste un gros boulot de conviction et de promotion à faire. Tout le concept de RER neuchâtelois n’atteindra son objectif de durabilité que si de bout en bout, l’utilisation d’un mode de transport individuel motorisé devient superflue.

 

 

Ce qui signifie que le vélo doit faire partie intégrante du concept, y compris lorsqu’il est transporté dans le métro ou stationné dans les gares ferroviaires ou routières. Nous y veillerons. Quel rêve d’imaginer prendre son vélo depuis Neuchâtel, sauter dans le RER, pour finalement se promener à La Chaux-de-Fonds – même en hiver et avec des pistes déneigées ;). C’est possible et il n’y a pas de fatalité : Fribourg fait mieux que nous dans un environnement présentant les mêmes défis (territoire périphérique, difficultés d’ordre géo-topographique, petits centres urbains).

 

 

Le groupe vert’libéral-PDC souscrit totalement à la variante enterrée du tracé, notamment en raison de son impact quasi-nul sur le territoire champêtre iconique vaudruzien, et parce qu’il permet d’être à l’abri des éléments, mais il reste pour nous une question ouverte : quid de la gestion d’éventuelles oppositions et de la politique de rachat de terrains ? Une autre question concerne la rentabilité de la ligne directe : il est mentionné dans le rapport que ladite rentabilité se base sur un « report modal substantiel ». On aimerait donc savoir comment le CE compte l’obtenir et surtout : de quel pourcentage parle-t-on. Il conviendra donc de décider rapidement, par exemple, de la place qui sera réservé au transport de la bicyclette elle-même. La politique actuelle des CFF (p. ex. les 14.- d’une carte journalière) ne la favorise certainement pas. Enfin, il y a un encore du flou sur le dimensionnement de la gare de Cernier et de la place que le Conseil d’Etat compte lui donner dans le tissu socio-économique du Val-de-Ruz. Il n’est pas déraisonnable de penser, en se projetant dans l’avenir, que Cernier pourrait connaître un développement comparable à celui qu’a connu Bulle, à parti du moment où la paisible bourgade fribourgeoise fut mieux reliée aux centres économiques dynamiques avoisinants. Il sera alors nécessaire de prendre garde à ce que ce développement se fasse harmonieusement.

 

 

Deuxième gros morceau : la jonction Corcelles-Bôle, devisée à 67 millions. Dans le concept global du RER, le Val-de-Travers, éloigné de la ligne directe, pourrait paraître défavorisé. Il conviendra donc d’assurer sa bonne connexion avec le reste du canton, ainsi que le maintien d’un accès facile au TGV voisin.

 

 

Nous sommes d’avis, comme le Conseil d’Etat, qu’un tracé semi-enterré (d’un surcout de 12 millions de francs) est judicieux. Cette variante est un juste compromis entre le coût environnemental (en évitant de sectionner des écosystèmes) et la plus-value financière. Nous attendrons avec intérêt l’étude d’impact environnemental énoncée dans le rapport. Autre élément : on remarque qu’entre la gare de Bôle et Cotendard, il n’y a pas de trajet pratique pour se rendre à pied ou à vélo vers Corcelles, notamment à cause du vallon de Cottendart au-dessus duquel sera construit un pont ferroviaire. D’où notre question au Conseil d’Etat : est-il envisageable d’inclure – moyennant un investissement supplémentaire dans la future étude, une hypothétique voie pédestre/cyclable le long de la future voie de chemin de fer et qui rejoindrait un chemin existant ?

 

 

Et enfin, troisième volet du décret : les 2 millions de francs dédiés à la reconversion de la ligne historique en voie verte, projet encore à l’état embryonnaire. Une belle idée qui manque encore nécessairement de concret. Le crédit d’étude demandé est donc le bienvenu. Notre groupe trouve très encourageant ce type de vision venant du Conseil d’État. La ligne historique en pente douce parait tout à fait adaptée à la pratique de la marche, du vélo ou d’autres modes de mobilité douce. Nous saluons donc cette proposition novatrice, que l’on imagine déjà devenir un atout touristique si une offre cohérente est proposée (par exemple, un parcours républicain novateur à vélo électrique pour le 1er Mars ?). Les concepts canadien ou français évoqués dans le rapport du Conseil d’Etat sont en effet prometteurs.

 

 

Quant aux friches ferroviaires en mains des CFF, il conviendra de conclure une collaboration avec le Canton en vue de leur développement, inscrit dans le contexte des localités où elles se trouvent. Ces friches deviendront intéressantes pour autant que leur accessibilité depuis les pôles cantonaux reste assurée. Car avec la suppression du train dans les localités de Chambrelien-Rochefort, des Geneveys-sur-Coffrane, des Hauts-Geneveys et précédément Montmollin ; ce sont près de 4500 habitants qui ne seront plus desservis par une cadence de trains à la demi-heure. Nous comptons donc sur le RER pour répondre à ce défi de la manière la plus optimale possible, sinon ce seront d’autant plus de citoyennes et citoyens qui se rabattront sur la voiture pour se déplacer.

 

 

Il est temps de conclure cette longue prise de parole… Le RER a été pour certains jeunes politiciens des vert’libéraux le déclencheur de leurs débuts en politique. Cette prise de position, vous avez pu l’entendre, laisse transparaitre une impatience mêlée d’excitation quant à la réalisation de ce projet d’avenir pour notre région. Un investissement qui tirera le canton vers le haut et vers le Haut – avec un H majuscule.

 

 

Vive le RER, vive la ligne directe et vive un canton de Neuchâtel qui sera revivifié par cette nouvelle artère. Faisons aujourd’hui l’Histoire avec une unanimité pour ce projet. Une unanimité qui serait un fantastique signe, qui fera date, et aussi un geste de reconnaissance en direction de la Confédération et des parlementaires fédéraux qui ont accepté de soutenir notre région. Un juste retour des choses pour un canton dynamique qui contribue une part importante, au rapport à sa taille, de la prospérité de notre pays. Ne boudons pas notre chance. Rendez-vous à la fin des travaux en 2033.

 

 

Merci de votre attention.